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Un patrimoine aussi diversifié que spécifique
Entourés de hautes montagnes, accrochés au flanc sud du Canigó à quelques pas de l’Espagne mais à l’écart des grands axes de circulation qui longent le littoral, Prats de Molló et son territoire ont su se constituer, et protéger du mieux possible, siècle après siècle , un patrimoine à la fois diversifié et spécifique. Tirant opportunément parti de ses ressources pastorales,forestières, minières et hydrographiques, cette vieille cité et ses alentours se sont hissés, au fil du temps, malgré leur relatif éloignement, à un niveau d’activité et de prospérité économiques plus qu’enviable, attirant une population nombreuse et entreprenante, rendant indispensable la construction de solides sites défensifs, favorisant la création d’édifices civils ou religieux de prestige, conduisant à la mise en place d’importantes infrastructures rurales, artisanales, industrielles, transfrontalières et thermales, engendrant elles mêmes de multiples pratiques professionnelles et des modes de vie judicieusement adaptés, toutes ces richesses patrimoniales étant souvent bien conservées ou encore facilement décelables…
Des conditions naturelles et humaines aussi favorables ne pouvaient que susciter et développer à leur tour une intense vie sociale et culturelle, affermie par un fort sentiment d’appartenance à une même communauté historique, préservée des contagions par son isolement même, soigneusement entretenue par un vif attachement à la langue, aux traditions et coutumes locales, festives ou religieuses, et aux usages anciens. S’il fallait une preuve de cette fidélité aux racines profondes de cette terre et de sa société, on la trouverait sans peine dans la survivance, encore visible, de nombre de ces pratiques et manifestations.
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Les empreintes matérielles d’un passé lointain
Les plus palpables, les plus expressifs de ces témoignages du passé se trouvent dans les richesses monumentales et architecturales de la cité et de ses alentours : d’ordre religieux (l’église paroissiale des Saintes Juste et Ruffine, les chapelles, les nombreux oratoires, les ermitages etc), mais aussi
d’ordre militaire (les Tours à Signaux, le Fort construit par Vauban, l’enceinte fortifiée percée de portails et son chemin de ronde, la porte ferrée sous la Guillème, l’affluent du Tech qui coupe la ville en deux etc), ou enfin d’ordre civil ( le dolmen et la pierre gravée, les ruelles et les demeures médiévales, la résidence du Roi d’Aragon, l’Hôtel de Ville, les ruines du château de Perella, etc).
Les activités sociales et économiques de Prats de Molló et de sa contrée ont aussi laissé des traces tangibles , quelles aient été agricoles (les « feixes » ou murettes de soutènement, les potagers et vergers au pied des murailles etc ), pastorales ( bovins et ovins, les chemins de transhumance, ls estives, les cabanes de berger etc), sylvicoles (les forêts domaniales ou communales, les places charbonnières, les défrichements etc ), minières et d’extraction ( le cuivre, le fer, l’étain, le feldspath, la chaux etc ), industrielles (les forges, le drap, les scieries etc ), artisanales (l’espadrille, le tissage, etc), thermales (les eaux de la Preste), les voies de circulation,(le « chemin royal, », les sentiers muletiers, les accès aux mas, escarpés mais soigneusement entretenus etc).
Hors de la cité, le territoire de Prats de Molló, découpé en « villars » est couvert par un maillage de constructions rurales servant d’habitation (mas, bordes, cortals) ou utilitaires
(les granges et corrals,
les « orris » ou cabanes de berger; les prises et les conduites d’eau, les moulins etc), le tout encore souvent visible.
Un relief accidenté, aux noms évocateurs, des paysages tourmentés de haute altitude, mais pour certains façonnés de main d’homme, d’innombrables sources et d’abondants cours d’eau la plupart tumultueux, témoignent encore de la rudesse d’un environnement resté malgré tout sauvage, auquel les habitants se sont confrontés au cours des siècles.
A cette maîtrise de l’homme sur la nature s’ajoutent, tout au long de son histoire, une grande
habileté technique (dans l’outillage rural ou artisanal), ainsi qu’un goût pour le mobilier raffiné, ( surtout liturgique, les sculpture en bois doré , les peintures sacrées. etc).
Des traditions bien ancrées
C’est aussi dans des domaines moins » tangibles », ( aux traces tout autant perceptibles ) comme la vie en communauté, faite de labeur mais aussi de détente, ou bien les manifestations culturelles ou religieuses que les habitants de Prats de Molló ont donné le meilleur d’eux mêmes. Adossés à une histoire fertile en péripéties, ballottés entre de puissants États ou des pouvoirs politiques rivaux contre lesquels ils se sont à plusieurs reprise dressés, malmenés par d’éprouvantes catastrophes naturelles, souvent dévastatrices ( le tremblement de terre de 1428, les violentes crues de 1763 et de 1940), ils ne s’en sont pas moins forgés, en les préservant soigneusement, un cadre de vie propre et une identité forte.
Cet attachement immémorial des Pratéens à leurs racines repose d’abord , sur une Histoire fertile en événements, à travers les âges, jalonnée de nombreux temps forts ( la « Guerre du Sel, le Traité des Pyrénées, la Retirada etc), illustrée par de grandes figures locales (politiques, littéraires, artistiques, scientifiques, religieuses), et dont le déroulement nous est connu grâce à d’abondantes ressources documentaires ( archives publiques, paroissiales, privées, cadastrales, visuelles , et sous forme de bibliographie, d’études, de recherches, etc). Le fonds de contes et légendes, (populaires, ou religieux) , ainsi que la pratique persistante de la langue catalane ,ont aussi nourri et consolidé cette fidélité au passé.
Et ce qui a, dans la durée, soudé entre eux les occupants de cette haute vallée, et leur a permis de survivre, c’est l’aisance avec laquelle ils ont su allier divertissements et dévotions, esprit de résistance et facilité d’adaptation , appétence des agréments de la vie et sens des responsabilités..
les traditions festives ( l’Ours, le Carnaval, la mascarade, la corrida, la grande fête patronale , la Saint Jean, etc) sont les plus spectaculaires et les plus tenaces.
Les traditions religieuses (la Semaine Sainte, les rites de la Passion, les processions, les pèlerinages et leurs « goigs », les fêtes des diverses corporations) ont en partie résisté avec beaucoup de mérite à une désaffection progressive .
C’est essentiellement autour de la danse ( le contrapàs, la sardane, les « balls ») et la musique typique (écrite pour les instruments de la cobla) que s’articulent et se déploient toutes ces réjouissances ou ces célébrations.
Et pour rester dans les comportements collectifs et créateurs de lien social,
rappelons -encore vivaces pour beaucoup d’entre eux – les sports (rugby, football, boules, randonnées etc , et leurs clubs) ainsi que les loisirs (chasse, pêche, chorales, associations culturelles, loteries etc.)
Mais c’est aussi dans les pratiques, les usages et les modes de vie, tant urbains que ruraux, que se manifestent les traits les plus représentatifs de cette micro-société, longtemps confinée au fond d’une haute vallée à l’accès difficile.
Cultivant l’esprit familial et la solidarité (corporations d’artisans, sociétés d’entraide mutuelle, confréries paroissiales), ajustant avec pragmatisme ses divers besoins (alimentaires, domestiques, sociétaux, scolaires, culinaires, sanitaires etc) aux ressources locales et à la rude configuration géographique , Prats de Molló n’a pourtant pas cessé d’être réceptive au progrès (notamment industriel, aux nouvelles techniques artisanales, au chemin de fer, à l’ouverture de la frontière etc) et de s’ouvrir aux influences extérieures, ( à la faveur du thermalisme, des villégiatures, du tourisme).
Ce survol des vestiges du passé de Prats de Molló et de son ample territoire, actuellement observables ou encore repérables, ne recouvre qu’en partie les nombreuses et diverses richesses de son parc patrimonial réel.
C’est ce dernier que l’association « Velles Pedres i Arrels » a pour tâche de redécouvrir pas à pas, en vue d’abord de participer, au besoin, à sa restauration. Mais en même temps- à l’aide de sa base de données informatique, et au même titre que le patrimoine connu, de le préserver de l’oubli, tout en le complétant d’informations utiles à l’enrichissement des connaissances acquises..
C’est aussi ce rôle de sauvegarde de la mémoire et d’approfondissement que joue la revue annuelle Costabona, dont les trois premiers numéros ont déjà été publiés.
(1) le détail des divers éléments du patrimoine est accessible sous les onglets ACTUALITES ou PATRIMOINE, à partir de la liste regroupant les ensembles et sous-ensembles patrimoniaux